Mes pas habituels vers les ateliers d'artistes m'ont conduit récemment dans celui de FLORENCE BANDRIER. Je découvre alors de nombreuses œuvres sur papier, où l'artiste écrit littéralement un univers qui m'offre le plaisir de m'y inscrire L'encre déposée à la pointe de la plume accumule des lignes d'écriture, qui en dépit de leur illisibilité, s'alignent devant mes yeux comme de magiques manuscrits qui dressent de fragiles parvis suspendus dans l'espace.
Mon envie de lire ce tracé convulsif, mais paradoxalement aligné sur l'horizontale de son parcours, me permet de pénétrer cette création tout en me laissant porté par de grandes tâches d'encre noire, qui m'immobilisent. Elles dialoguent avec le graphisme, mais parfois en le repoussant jusqu'à le recouvrir afin de donner naissance à des traits qui grandissent en véritables mouvances gestuelles.
L'écrit spontané traverse le papier/support en laissant au vide une place céleste dans laquelle se fixe in disque chaleureux. Je le fantasme, tournoyant au coeur de son immobilité, afin de placer mon regard intérieur en contemplation.
Mes pas de découvreur me conduisent devant une nouvelle page d'écrit qui semble habiller un personnage ambigu entre l'humain et l'animal et dont les bras et le cou ne sont en réalité que l'étalement uniforme de l'encre.
Ainsi Florence couvre par l'écrit un être, qui en dépit du poids de ses formes noires, respire délicatement afin de dialoguer sensiblement avec moi. Grâce à cette rencontre sentimentale, je m'imagine conduire mes pas devant de nouvelles oeuvres qui semblent piétiner par l'écrit, un monde traversé par le dess(e)in de projets qui vont se bâtir entre ordre et désordre. Ces déambulations de l'écrit se présentent maintenant à mes yeux en construisant souplement des courbes, jusqu'à s'inscrire verticalement et contradictoirement.
La finesse perfide de ces graphismes peut, paradoxalement encore, se glisser sous des frottements troubles de tâches de couleur. Florence trace dans l'espace des passages entre nuit et lumière, tout en stationnant parfois sur de petites pages d'écriture. Mes pas me font maintenant piétiner de sombres tâches concentrées sur la rondeur de leur poids.
L'écrit semble à l'origine du positionnement d'un martelage d'un sol, en évoquant des jambes ou des pattes animales. L'attention que je porte à ces pas de l'écrit, accentue la mobilité de mon imaginaire, tout en le concentrant sur la puissance de ce piétinement, centré sur la volonté affirmée de sa fixation. Pourtant si je ponctue mon regard sur ce positionnement marqué solidement par ces tâches concentrées, je ne peux que me fixer sur le mouvement évoqué par Florence. Deux dessins horizontaux fonctionnent à ce titre comme un diptyque. Ce rythme répétitif est ainsi confronté au croisement de longues pattes animales qui cette fois scandent la traversée d'un dessin vertical, qui à mes yeux doit dialoguer, lors de sa mise en espace, avec ce diptyque.
Mes pas se plantent maintenant aux pieds de grands formats verticaux. Cette fois c'est une véritable tenture dressée au dessus d'un sol, dont l'écrit constitue une véritable masse terreuse balayée par le vent. Elle peut aussi évoquer une immensité maritime qui fait flotter l'écrit d'une voile. Au dessus de cette illusion de paysage, je vois se dresser une silhouette habillée de la monochromie noire de l'encre. Ce personnage me parait prêcher la propre force de sa matière issue de l'écrit, qui à nouveau paradoxalement, ose en dépit de la fragilité graphique de son support, affirme la lourde tâche immobile de sa présence. Quelque traits gestuels donnent vie à cette apparition qui va me faire participer maintenant à un véritable défilé de silhouettes.
Pas d'écrit cette fois mais un alignement horizontal, et un tracé régulier qui souligne sa verticalité. Cela m'offre la découverte de multiples silhouettes en gesticulation, mais néanmoins enrégimentées dans la composition orthogonale orchestrée par l'artiste.Un rectangle placé presque au sommet de cette construction devient une fenêtre ouverte sur une sorte de bataille entre trois personnages juxtaposés, contemplés par un seul qui peut être devient assassin, comme une ligne tendue en direction des autres, me le fait supposer. Mais c'est grâce à cette image qui me fait fantasmer que je peux conclure.
La découverte de ces nombreuses formes humaines, qui ne sont pas nées de l'écrit, deviennent pourtant des tâches qui n'attendent que des règles, pour devenir pour mon imaginaire, pas d'écrits... mais des cris passionnés!
Bernard Point ( passeur d’art, fondateur de l’école municipale des beaux-arts de Gennevilliers et de sa galerie Edouard Manet, comité de sélection Drawing Now)
Les édits dits de l’écrit
L’écrit des dits écrits
Les cris du dit écrit
Dits écrits de l’écrit
Les écrits des dits de l’écrit
De la typo réforme
Du graphe prend le cally
Tout décalé mais certifié
La sangle du savoir détissée
A la réforme le surligné
Celui qui norme l’informé
Du dit écrit est-ce le gène
Ou l’indigéré du fort moulé
Le phylactère bouffe la case
Et casse l’accusé de réception
Un roi s’offense que ça pense
Indifférence et pied de nez
Tire la langue Albert au p’tit Robert
L’intitulé prend la consigne
Et vide la panse du verbe
Avérée la geste se disperse
Et croque en marge le messager
Habillé en pied de moule
Le dit d’écrit décrit et puis
Écale l’écorce ferme des impensés
Cachés planqués dessous la nasse
Le siège depuis est en réserve
Poids noirs posés dessus la verve
Il plie et casse la majuscule
La casse des doigts coud paraphrase
Aux peaux des strophes administrées
Ça biffe au singulier
Ça single à toute vibure
La touche enfourche le véloce
Et court sans perdre la laine
Des cuirs trempés dans la pléiade
La bulle dévore en antiphrase
Le silence entier des formulaires
Les nerfs des mots bien arrangés
S’exfolient en stases exposées
Le non dit des écrits mis à plat
La logorrhée des logos git
En extases extrapolées
La géométrie du verbe
S’expatrie hors du contexte
Excoriée la forme à l’air
D’une grammaire en émulsion
L’écrit de l’écrit dit forme
Déforme et réforme du littéraire
Les carènes sur des aplats
Où les épaves signent
Et dévoilent le jusant des écrits
Estran polymorphe des non dits de l’écrit
Texte parut dans Livre d’art lors de le l’exposition Puls ‘Art 2014 au Mans.
Thierry Gaudin http://pjtg.over-blog.com/